En 1984, lors d’une belle journée de printemps, il recourra à une méthode qui semble tout ce qu’il y a de plus logique au jour d’aujourd’hui, mais tout à fait inédite à cette époque. Tommaso Spadaro, ex-roi de la contrebande de cigarettes, était un personnage très riche. « L’homme d’honneur » devait purger une peine de plusieurs années de prison, mais comme il ne s’était jamais présenté à son procès, il avait été condamné par contumace. Pourtant, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, ce dernier vivait en toute tranquillité dans son bel appartement et sa présence n’était un secret pour personne. Le genre de chose qui avait le don d’agacer fortement le commissaire Montana qui décida que cette impunité ne pouvait plus durer. Il se rendit alors au palais de justice pour y rencontrer le Juge Paolo Borsellino qui lui délivra un mandat d’arrêt en bonne et due forme.
Sans préparer d’opération de police particulière, Beppe Montana et deux collègues de sa brigade s’arrêtèrent devant le domicile du mafioso. Le plus normalement du monde, ils sonnèrent et attendirent quelques instants. C’est Spadaro en personne qui ouvrit la porte. Poliment, Montana exhiba son badge et lui notifia le mandat d’arrêt pour association de type mafieuse. Le criminel resta interdit quelques secondes avant de se laisser emmener sans résistance.
Cette arrestation fut considérée comme une inacceptable provocation pour les parrains de Cosa Nostra, car Tommaso Spadaro était très respecté au sein de la Coupole. Il était surtout celui qui garantissait des liens cruciaux entre ses amis de la Camorra napolitaine et la Cosa Nostra sicilienne. Au tribunal de Palerme, le pool antimafia ne cacha pas sa satisfaction dans la mesure où le commissaire venait d’envoyer un signal clair sur la volonté de changer les choses. Une démonstration de force prouvant que désormais, nul ne serait au-dessus des lois en Sicile.