Le drame du repenti Marino Mannoia


Le fond pour la protection des témoins a été réduit de moitié en cinq ans. Les repentis, l’arme fatale des hommes de l’antimafia, pensent que l’État les a abandonnés.

Il a été l’un des mafiosi les plus redoutés de Cosa Nostra et l’un des plus importants repentis pour le juge Giovanni Falcone. Aujourd’hui, Francesco Marino Mannoia et désespéré. Il y a quelques jours, il a tenté de se suicider en ingérant un cocktail de médicaments, mais sa femme a réussi à le sauver in extremis en le menant à l’hôpital. C’était sa deuxième tentative en peu de temps. Depuis qu’il avait appris son expulsion de l’appartement qu’il occupait avec sa famille puisque l’Etat a prit la décision de ne plus payer les mensualités du loyer.

Francesco Marino Mannoia

Il y a quelques jours, il s’était confié au procureur adjoint de Palerme, Antonio Ingroia, qui était allé l’interroger au sujet d’une vieille enquête :  » Je suis déçu, peiné, après tout ce que j’ai fait depuis 1989 pour la lutte contre la mafia. »

Mannoia, âgé aujourd’hui de 60 ans a longtemps vécu sous protection aux États-Unis. Puis, en avril 2011, il a décidé de revenir en Italie, parce que sa femme et ses deux fils ne se sont jamais plu outre-Atlantique. Ce retour a été le début d’autres problèmes. Le célèbre ex-chimiste des familles de Cosa Nostra, grand expert dans le raffinage de la cocaïne s’est retrouvé expulsé de sa maison, faute d’argent. Aujourd’hui, Mannoia est très préoccupé par l’avenir des siens.

Légalement, Mannoia reçoit mille euros par mois.

Aujourd’hui, les premiers mots de Mannoia que Falcone avait enregistré dans un procès-verbal le 8 octobre 1989 semblent devenir une prophétie dramatique : « Mon repentir est un geste de confiance dans les institutions, même si je ne remarque pas un vrai engagement de l’État dans la lutte contre la mafia. » Deux mois après ses déclarations, Totò Riina avait fait tuer la mère et la soeur du repenti. Francesco Marino Mannoia avait dit à Giovanni Falcone : « Ils ne m’arrêteront pas, je veux changer vie. ».

Pour avoir briser l'Omertà, la mère et la soeur de Mannoia furent assassinées par les Corleonais. (En arrière plan, le Juge Falcone)

Mais comme beaucoup de repentis à cette époque, il n’avait pas évoqué les rapports existants entre la mafia et la politique. C’est seulement après la mort du juge Falcone qu’il dévoila que dans les années 1980, Giulio Andreotti, Président du Conseil italien, avait rencontré le boss Stefano Bontade, à Palerme. La Cour de cassation avait corroboré ces faits et Andreotti avait été épargné de toute condamnation grâce aux principes de la prescription. L’histoire de la lutte antimafia a démontré que Mannoia, assisté depuis les premiers jours par le même avocat Carlo Fabbri, a été l’un des repentis les plus importants et s’est toujours montré digne de foi. Après son repentir, il purgea une peine de 17 ans de prison avant de devenir un homme libre.

Ces dernières années, l’État a pratiqué des coupes drastiques dans les services de protection. En 2006, on comptait 70 millions d’euros de budget pour le programme de protection des collaborateurs de justice (repenti), l’instrument principal antimafia. Aujourd’hui, les fonds ont été réduits de moitié. C’est pourquoi certains employés manifestent pour dénoncer les carences du système de protection.

Vendredi 22 juillet, le repenti Giuseppe Di Maio, 33 ans, s’était pendu. Ancien membre de la Cosca de Palerme de Guadagna, ce dernier vivait le drame personnel de la solitude après avoir été abandonné par sa femme qui n’avait pas accepté le choix qu’il avait fait de se repentir.

Un autre repenti, Manuel Pasta, accuse l’État : « En limitant l’indispensable, l’État ne fournit plus une assistance digne de ce nom aux collaborateurs de justice. On a besoin de subside quand arrivent les dépenses pour les engagements de justice. L’Etat pouvait éviter le suicide de Di Maio qui avait déjà tenté de se suicider auparavant en prison. Du moment qu’il était sorti de sa cellule, il fallait lui donner une assistance psychologique. » Manuel Pasta exprime sans ambages le malaise des employés travaillant au programme de protection :   » Peut-être que c’est une volonté politique venant de très haut, pour décourager les repentis », dit-il. « Il y a tellement de gens qui ont besoin d’aide, la sécurité de base ne tient pas compte du travail formidable que font un petit nombre d’employés ».

La Reppublica (Palermo.it) – (juillet 27, 2011)
Traduction : Leshommesdelantimafia © tous droits réservés

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