Le Parlement européen entre en guerre contre la mafia


Tandis que la crise de l’euro et les soubresauts au Maghreb retenaient l’attention, les députés européens ont approuvé, sans crier gare, le 25 octobre, la création d’une commission antimafia. Objectif : doter les vingt-sept pays de l’Union européenne (UE) d’une structure capable de coordonner la répression de ces activités litigieuses. Ce texte, adopté à une écrasante majorité (584 pour et 6 contre), préconise également la création d’un procureur européen antimafia.

Sonia Alfano

Nul hasard si l’initiative de ce projet revient à un trio de députés italiens, élus en 2010. Ils ont tous payé cher leur engagement contre la nébuleuse mafieuse. Rosario Crocetta (groupe socialiste), à l’origine de ce texte, vit sous protection policière 24 heures sur 24 depuis qu’il a déclaré la guerre à Cosa Nostra dans sa ville de Gela, en Sicile, dont il fut le maire de 2003 à 2009. « La mafia veut ma mort, dit-il laconiquement. Depuis 2003, je ne peux plus me promener seul, ni même ouvrir une fenêtre chez moi ». Il a été épaulé par une autre élue du groupe socialiste, Rita Borsellino, la sœur du juge Paolo Borsellino, assassiné à Palerme en 1992, et de la libérale Sonia Alfano, fille d’un journaliste également tué dans la capitale sicilienne, l’année suivante.

Pour Rosario Crocetta, l’adoption de ce texte constitue une « révolution culturelle ». Par ce vote, dit-il, « l’Europe prend enfin conscience que la mafia n’est pas un problème national, mais un phénomène qui gangrène tous les Etats européens ». Largement inspiré des mesures introduites en Italie au cours des trente dernières années, le document soutenu par les eurodéputés recommande une batterie d’initiatives : la confiscation du patrimoine des criminels et de celui de leurs prête-noms, la protection des témoins de justice, l’interdiction pour les anciens détenus mafieux de se présenter à des élections et, aussi, l’interdiction faite aux entreprises ayant été condamnées pour leurs liens avec la pègre de participer à des appels d’offres. « Il est paradoxal qu’une entreprise qui a été privée de marchés publics à Palerme, puisse concourir à un appel d’offre à Berlin », insiste Rosario Crocetta. Il prône également une meilleure traçabilité des fonds car « l’argent a toujours une histoire ». Pour cela, il souhaite une obligation de transparence sur l’origine des ressources pour tout dépôt bancaire supérieur à un million d’euros et pour tout contrat dans le BTP dépassant deux millions d’euros.

Après le vote des eurodéputés, une commission parlementaire va se mettre en place pour faire des recommandations qui seront introduites dans le labyrinthe institutionnel (Commission, Conseil européen). L’objectif est d’aboutir à une directive avant la fin 2012. Il y a urgence. Les activités mafieuses en Europe ont généré des revenus de l’ordre de 311 milliards d’euros en 2010, selon un rapport du procureur italien, Gaetano Paci. Soit presque deux fois le chiffre d’affaires de Total…

Cahier Géo & Politique, disponible avec « Le Monde », daté du dimanche 30 / Yves-Michel Riols

Rita Borsellino

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