La mafia calabraise englobe toute la Péninsule


La ‘NDRANGHETA, mafia de la région de Calabre dont le siège principal se trouve dans le sud de l’Italie, à Reggio de Calabre s’est étendue de façon inquiétante dans le nord de l’Italie. En effet, les enquêtes menées par le parquet de Milan ont démontré que pour remporter les élections en Lombardie, il suffisait d’entrer en pourparlers avec la ‘Ndrangheta.

Ilda Boccassini. Amie de Giovanni Falcone, la courageuse magistrate italienne instruit des affaires liées au crime organisé. Elle a permis l’arrestation des auteurs de l’attentat de Capaci, et de surcroît, celle de Totò Riina. Elle est en charge, notamment, de l’enquête sur Silvio Berlusconi dans l’affaire de prostitution « Ruby ».

Le 10 octobre 2012, Domenico Zambetti, 60 ans, assesseur au Logement de la Lombardie a été arrêté. Les écoutes téléphoniques ont démontré que cet homme politique avait payé 200.000 euros pour obtenir en mai 2010 les 4.000 bulletins de vote nécessaires à son élection. Il fut donc élu.

L’enquête est menée par le procureur de la République de Milan Ilda Boccassini. Considérée comme une brillante magistrate, c’est elle qui avait conduit de main de maître l’enquête sur l’assassinat du juge Falcone (1992).

Mais qu’on ne s’y méprenne pas. Domenico Zambetti n’est pas un mafieux. Il est simplement un politicien qui s’est vendu à la Mafia en acceptant le « vote d’échange » (de l’argent contre des bulletins de vote). Par cette pratique, il est devenu le patrimoine de toute l’organisation en sachant que pour répondre aux exigences de ses nouveaux « amis », il devra interjeter en leur faveur dans le cadre d’appels d’offre, de sous-traitance, de commandes institutionnelles lourdes ou de menues faveurs telles qu’une place de travail dans l’administration.

« C’est ainsi que la ‘Ndrangheta se présente comme un holding qui marchande son appui, propose un pacte scélérat aux candidats aux élections, polluant tragiquement la démocratie. Et il est maintenant clair que le champ d’action de la mafia calabraise englobe toute la Péninsule. Partout où des affaires sont possibles, partout où le pouvoir politique est susceptible de se faire acheter, les parrains calabrais sont au rendez-vous », poursuit Ilda Boccassini.

Note : La ‘Ndrangheta a longtemps été sous-estimée. Protégée par sa réputation d’organisation locale, archaïque et somme toute folklorique, qui se consacrait principalement aux enlèvements crapuleux (on se souviendra de la séquestration record – plus d’un an ! – du petit fils du milliardaire Paul Getty dans les années 1970), la ‘Ndrangheta a grandi démesurément ces dernières décennies et a profité que les projecteurs soient tous braqués du côté de Cosa nostra, la mafia sicilienne qui menait des attentats spectaculaires. La mafia calabraise s’est alors habilement organisée, devenue une organisation criminelle ultramoderne, asseyant son pouvoir sur tout le territoire en toute tranquillité et sans attirer trop l’attention des médias et de la police.

C. Lovis (Source : Le Nouvel Observateur)

Influente au niveau international

On sait aujourd’hui par exemple que nombre de restaurants chics de la capitale italienne sont la propriété de ‘Ndranghetistes notoires. Et que « [l’]honnête » Milan, dite « la capitale  morale de l’Italie », a cessé brutalement de l’être un jour d’octobre 2012.

Mais la mafia calabraise a aussi un profil international non négligeable, révélé au public lors du massacre de Duisbourg, le 15 août 2007, lorsque six Calabrais résidant en Allemagne furent assassinés devant la pizzeria « Da Bruno » pour assouvir une vengeance dont l’origine remonte à la nuit des temps. On a alors réalisé que ces mafiosi possédaient en fait plus de 300 pizzerias en Allemagne, étaient puissants dans le secteur immobilier belge tout en entretenant des rapports profitables avec les Farc et les AUC colombiens, prompts à les ravitailler en cocaïne.

La découverte d’une présence décisive de la ‘Ndrangheta au sein du monde politique milanais ne fait que confirmer son caractère subtilement hégémonique. Et voir les politiques obéir aux mafieux signifie le franchissement d’un nouveau pas dans la cohabitation de l’État avec le crime organisé. Ou l’application d’un modèle colombien.

Par Marcelle PADOVANI (Nouvel Observateur)

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