Cosa Nostra : la traque se poursuit


Matteo Messina Denaro, le chef de la mafia sicilienne reste introuvable. Pourtant ils sont 200 policiers de la brigade antimafia qui le chassent jour et nuit. La tête du N° de Cosa Nostra vient d’être mise à prix pour 1,5 million d’euros. Il fait partie des 10 fugitifs les plus recherchés sur la planète, selon la revue « Forbes ».

Matteo Messina Denaro
Matteo Messina Denaro

Lunettes fumées, Rolex en or au poignet, aimant les filles et les voitures de luxe, Matteo Messina Denaro à aujourd’hui 52 ans. Il est recherché pour trafic de drogue et de multiples homicides. À 30 ans, le boss mafieux avait déjà tué de ses propres mains une cinquantaine de personnes. A contrario de ses prédécesseurs d’une discrétion légendaire, Messina Denaro est un frimeur et aime se vanter de ses crimes : « Avec les personnes que j’ai tuées, je pourrais remplir un cimetière » disait-il.

Et du sang sur les mains, il en a. Il a un jour étranglé la fiancée enceinte de l’un de ses rivaux. Mais il a tué également des journalistes, des policiers et des magistrats qui enquêtaient sur ses crimes. En 1993, il avait participé à la vague d’attentat commanditée par Toto Riina à Rome, Florence et Milan. Dix morts. Mais depuis, Matteo Messina Denaro est en cavale. La justice travaille pour affaiblir le N° 1 de l’organisation en arrêtant son entourage dans une politique de terre brûlée anticriminelle.

Vague d’arrestation dans son entourage proche

Sa sœur chérie Patrizia qui était son bras droit, son frère Salvatore qui était son alter ego, son beau-frère Filippo qui était son serviteur, et enfin Giuseppe Grigoli, son prête-nom, son ambassadeur au cœur de l’économie légale. (Source Marcelle PADOVANI, L’Obs)

Giuseppe GRIGOLI, le prête-nom du parrain
Giuseppe GRIGOLI, le prête-nom du parrain

Mais pour un mafieux, ça fait partie de sa vie. Ses proches le suivent ou disparaissent. Cependant, l’arrestation de son prête-nom a été l’un des coups les plus rudes que Messina Denaro a subis ces dernières années. Grigoli qui vient d’être condamné à 12 ans de réclusion criminelle pour « association mafieuse » s’est vu confisquer 700 millions d’euros et perdre les 46 points de vente des supermarchés qu’il dirigeait pour le compte du parrain sicilien. Ce que sait la police, c’est que le boss mafieux, surnommé « u Siccu » (le Sec) à cause de sa minceur, est sans aucun doute encore caché sur son territoire, la province de Trapani. Les caches sont nombreuses et certaines parties de la région sont impénétrables, car aussitôt repéré par les guetteurs. La moindre voiture inhabituelle, le moindre inconnu qui traînerait dans les parages du boss y est repéré aussi sec par sa garde rapprochée. « Le bruit d’un hélicoptère sonne comme un signal d’alarme » déclarait Giuseppe Linares, ancien chef de la Squadra Mobile de Trapani.

En 2014, les carabiniers du ROS et leurs collègues de la police exécutaient 16  mandats d'arrêt ordonné par le juge d'instruction Nicola Aiello. Les mafieux arrêtés étaient dans le 1er cercle du parrain de Cosa Nostra. Depuis 2009, il y a eu 48 arrestations de mafieux et 88 millions d'euros saisis. La politique de la terre brûlée orchestrée par les magistrats siciliens vise à affaiblir le parrain et épuiser ses ressources.
En 2014, les carabiniers du ROS et leurs collègues de la police exécutaient 16 mandats d’arrêt ordonné par le juge d’instruction Nicola Aiello. Les mafieux arrêtés étaient dans le 1er cercle du parrain de Cosa Nostra. Depuis 2009, il y a eu 48 arrestations de mafieux et 88 millions d’euros saisis. La politique de la terre brûlée orchestrée par les magistrats siciliens vise à affaiblir le parrain et épuiser ses ressources.

Matteo Messina Denaro qui a de nombreuses maîtresses a une fille qu’il a conçue dans la clandestinité. Elle a aujourd’hui 19 ans et avait écrit sur son mur Facebook le jour de l’anniversaire de son père, le 26 avril : « Je voudrais avoir l’affection d’une personne, mais cette personne n’est pas présente à mes côtés et ne le sera jamais à cause du destin. »

La jeune fille sait qu’elle ne peut joindre son père sous aucun prétexte. Malgré un monde de (sur)communication, son père reste hors de portée. Les flics savent que les points faibles de tous les fugitifs sont les femmes et la famille. Ils contrôlent et suivent tous les faits et gestes de l’entourage proche du parrain.

Des moyens et de l’ingéniosité pour traquer le fugitif

Les Catturandi traquent le chef de la mafia sicilienne sans relâche
Les Catturandi traquent le chef de la mafia sicilienne sans relâche

Fabrizio Giacalone est un policier qui le chasse depuis une décennie. Il a parfois pensé atteindre son but, mais chaque fois, le mafieux lui a filé entre les doigts. Il sait qu’il se cache dans de villas confortables à d’autres en effectuant de nombreux séjours à l’étranger. Au siège de la brigade mobile de Trapani, une pièce tapissée d’écrans de contrôles est consacrée à la traque du fugitif. Jour et nuit, sept jours sur sept, 365 jours par années, six policiers se relayent pour scruter le moindre signal, la moindre piste. Des balises GPS, des micros-espions et des caméras aussi grandes qu’une tête d’épingle ont été posés dans les coins que les policiers estimaient les plus sensibles. Elles sont changées régulièrement de place en fonction de l’enquête. Les Catturandi (Chasseurs de mafieux) sont des spécialistes pour placer des mouchards dans les endroits les plus incongrus. Dans des nids d’oiseaux, des beauty case d’éventuelles maîtresses, des simulateurs cardiaques de suspects, dans des déchets. Une soixantaine de personnes sensées faire partie du premier cercle du parrain sont fliquées en permanence.

Cosa Nostra joue le rôle d’un État alternatif

Aujourd’hui, Messina Denaro gère des revenus conséquents. Au-delà du trafic de drogue et de tous les autres crimes mafieux, les marchés qu’il contrôle comme ceux des éoliennes, du bâtiment, de l’agriculture et des supermarchés lui rapportent des millions d’euros. Dans la province, il est considéré par certains comme un prospère bienfaiteur. En effet, le parrain de Cosa Nostra fait rouler l’économie locale et comme il n’y a plus d’assassinat dans la province, les connivences s’installent.

C. Lovis, mai 2015 © leshommesdelantimafia
Source : Marcelle Padovani (L’Obs)

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