En Italie plus qu’ailleurs, l’escorte des personnes menacée est un travail dangereux. Avec sur son sol les quatre mafias les mieux structurées au monde, les risques sont réels pour les hommes et les femmes d’escorte autant que pour les personnes dont ils doivent assurer la sécurité. Dernièrement, un ancien ministre a bénéficié d’une escorte de 4 agents avec deux voitures blindées pour se rendre en vacances avec sa famille, dans la province de Brindisi. Il n’y aurait pas de polémique si dans le même temps, des personnes réellement menacées par la mafia ne se voyaient pas retirer leur escorte.

C’est le cas par exemple pour Angela Napoli. Politicienne honnête, ancienne membre de la Chambre de députés de la République italienne, elle a été vice-présidente de la commission parlementaire antimafia et la cheville ouvrière de plusieurs projets de loi pour lutter contre le crime organisé. En 2010, elle était parvenue à faire dissoudre pour infiltration mafieuse le conseil régional de Calabre où siégeaient plusieurs hommes politiques de haut rang. En mars 2010, des enquêteurs avaient découvert que la puissante ‘Ndrangheta avait monté un plan pour l’assassiner. Cette brillante politicienne d’origine calabraise a vécu sous protection policière pendant plusieurs années. Mais non réélue, cette femme engagée contre la mafia s’est vue révoquer son escorte.
Un autre exemple éloquent. Celui de Vincenzo Liarda.

Vincenzo Liarda est un protagoniste de la lutte contre la mafia. Secrétaire syndical de la CGIL et membre de l’observatoire de la légalité, il a été victime depuis 2011 de 21 actes d’intimidation. Malgré les menaces contre lui et sa famille, l’État italien lui a retiré sa protection sans aucune explication. Aujourd’hui, Vincenzo Liarda vit enfermé dans sa maison pendant que ceux qui l’ont menacé continuent de vivre normalement.
12 juin 2015 – Dernière information
Une polémique est en train d’enfler contre Vincenzo Liarda qui serait accusé d’avoir extrapolé les menaces dont il fait l’objet. Une enquête a été ouverte. Il faut garder à l’esprit que la mafia utilise depuis longtemps la stratégie de discréditation pour faire perdre l’estime d’une personne. Le juge Falcone — comme bien d’autres — avait été victime de rumeurs abjectes. (Exemple : Falcone avait été accusé d’avoir organisé un faux attentat contre sa personne ; immédiatement après l’assassinat du policier Calogero Zucchetto, la mafia avait fait courir le bruit qu’il avait été tué par un mari jaloux). Les exemples ne manquent pas et il faudra attendre la suite de l’enquête pour en savoir plus.

Procureur adjoint d’Agrigente, juge antimafia, Salvatore Vella n’est pas un citoyen ordinaire. Après avoir décapité la direction de Cosa Nostra de la magnifique région de la Vallée des Temples, le juge Vella a reçu une série de menaces de mort. Pendant des années, il a vécu sous protection policière en voyageant dans des voitures blindées. Lors d’une conférence dans une école, il a trouvé un bout de papier sur lequel étaient inscrits la marque et le numéro de plaque de sa voiture blindée, accompagnée du mot « Boom ! ». Ces menaces n’ont pas empêché de le voir retirer son escorte.

Un dernier scandale qui date de 2014. Le capitaine Ultimo, de son vrai nom Sergio De Caprio qui avait arrêté en 1993 Totò Riina, le sanguinaire patron de la mafia sicilienne a vu sa protection révoquée. Une décision incroyable quand on sait que le carabinier a été condamné à mort par la Coupole de Cosa Nostra. D’autant plus qu’il y a quelques mois, du fond de sa cellule de haute sécurité, Totò Riina a annoncé : « une probable nouvelle saison de meurtres » contre les magistrats de Palerme. Pourquoi le gouvernement italien a-t-il décidé de ne plus protéger un homme si détesté par la mafia ? Maintenant, Sergio De Caprio est colonel chez les carabiniers. Il tente de rester très discret et ne circule plus qu’à scooter pour éviter de devenir une cible trop facile.
« En Sicile, la mafia frappe les serviteurs de l’État que l’État n’est pas en mesure de protéger ».
Giovanni Falcone
Des escortes d’apparat aux dépens de ceux qui sont réellement menacés
Une polémique enfle en Italie quand on sait qu’à Rome, avec les diplomates et les personnalités du monde entier, la police organise chaque jour environ 120 escortes. Même si la capitale détient deux états sur son sol (Italie et Vatican), ce chiffre de service de protection est énorme en comparaison des autres pays. (Madrid = 60, Londres = 43, Paris = 21, Berlin = 13). D’aucuns lâchent que Rome devrait diminuer les services de protection pour les personnes qui ne sont pas réellement en danger. Ils évoquent que les escortes ne doivent pas servir à afficher une puissance quelconque détriment du citoyen et de ceux qui en ont réellement besoin.
En Italie, on estime que 4000 agents des forces de l’ordre sont chaque jour réquisitionné pour escorter environ 600 personnes. Une dépense annuelle de 250’000’000 d’euros. L’État italien a acheté environ 2000 voitures neuves, dont 800 sont blindées et coûtent de 120’000 à 180’000 euros chacune.
Le niveau d’escorte varie en fonction de la menace :
- Haute forme de sécurité : 2 ou 3 voitures blindées et plus de 8 agents
- Moyenne forme de sécurité : 2 voitures d’escorte et 6 agents
- Basse forme de sécurité : 1 voiture, 1 chauffeur et 1 agent
En 2010, les personnes protégées en Italie étaient au nombre de 410 :
- 263 juges
- 90 parlementaires
- 21 maires et présidents de région
- 21 ambassadeurs, journalistes et syndicalistes
- 87 repentis de la mafia
Scandale à la Berlusconi
La crise n’est pas toujours où l’ont croit
En avril 2006, le premier ministre sortant Silvio Berlusconi qui avait pour habitude de concocter des lois en fonction de ses besoins a exigé juste avant de quitter le pouvoir que les chefs de gouvernement qui ont démissionné de leurs fonctions conservent le droit de garder une escorte maximale sur l’ensemble du territoire national. C’est donc 31 hommes de la police nationale et des carabiniers qui sont restés à la disposition du « Cavaliere » déchu et qui surveillent à la charge du contribuable ses innombrables résidences privées. On estime que l’État dépense 200 000 euros par mois rien qu’avec cette mesure sans compter les conseillers et autres frais qui sont payés par la République au milliardaire déchu du gouvernement.
Quelques personnalités italiennes sous escorte
Article écrit par C. Lovis © Les hommes de l’antimafia
Source : Roberto Brumat, journaliste italien indépendant. Visitez son excellent blog !
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