Arrêté dans la rue par un individu chargé de prélever le pizzo d’un clan mafieux, un entrepreneur de Palerme a filmé secrètement avec son téléphone portable la demande de racket. Lors de cet échange, Giuseppe Piraino, le courageux entrepreneur lui montre une photo de Falcone et Borsellino en s’écriant : « Regardez, ce sont Falcone et Borsellino, tués par Cosa Nostra, vous devriez avoir honte ! »
Pour nos lecteurs francophones, voici le résumé de la vidéo de cette demande de pizzo :
Dans la vidéo diffusée par Giuseppe Piraino, on peut voir l’extorqueur présumé, Salvatore Guarino, s’approcher de l’entrepreneur et lui proposer de boire un espresso avec lui au bar. Piraino — qui avait été prévenu à l’avance que quelqu’un voulait le rencontrer — refuse et demande à Guarino d’aller droit au but.
« Oublie le café, dit l’entrepreneur. Qu’est-ce que tu as à me dire ? »
« Je veux vous demander un petit cadeau, parce que, chaque année, nous organisons une fête ici. Donnez-moi 500 euros pour la fête ! exige alors Salvatore Guarino. Ainsi, vous pourrez faire votre travail en toute tranquillité et personne ne vous dérangera. »
C’est à ce moment que Piraino le défie et lui montre des documents qu’il tient à la main, contenant une liste des hommes tués par la mafia et la photo des juges antimafia Giovanni Falcone et Paolo Borsellino.
« Ces hommes s’appellent Falcone et Borsellino, déclare Piraino. Ceux qui se taisent et baissent la tête meurent chaque fois qu’ils le font, mais ceux qui parlent et marchent la tête haute ne meurent qu’une fois ! », clame l’entrepreneur, répétant une citation de Giovanni Falcone.
« Quelle est la morale de l’histoire ? demande alors le mafioso présumé.
« La morale de l’histoire, répond Piraino, c’est que c’est à cause de la mafia et que ces gens sont morts — à cause de la mafia. Et vous devriez vous sentir mortifiés pour ce que vous me demandez ! »
Salvatore Guarino est alors interloqué par le courage de Piraino qui ajoute encore :
«Gardez ces photos et cette liste de personnes tuées par la mafia. Gardez-les et étudiez-les ! »
« Mais je vous ai demandé de l’argent pour la fête », souffle alors Guarino très mal à l’aise.
« Je vais te montrer la fête, répond Piraino, avant de partir. »
Les demandes de pizzo de la mafia sont rarement explicites, mais sont souvent déguisées. Les demandes d’argent de protection sont souvent formulées comme une contribution à l’organisation de festivals religieux dans le quartier ou comme une contribution pour les familles des hommes du quartier qui sont en prison.
C. Lovis © Antimafia.net
Cet entrepreneur courageux a permis aux enquêteurs de faire un coup de filet important contre la famille du clan mafieux de Borgo Vecchio à Palerme. Après sa plainte, dix-sept autres sont venues enrichir le dossier des policiers antimafia. Beaucoup espèrent que la résistance produira un véritable changement à Palerme où beaucoup continuent de payer en silence.
Il y a quelques jours, des associations et familles de victimes de la mafia se sont réunies devant un des chantiers de son entreprise pour manifester leur soutien à Giuseppe Piraino. Ce dernier peut compter sur des figures historiques de la lutte contre la mafia comme Vincenzo Agostino, Andrea Piazza, Giovanni Taormina, Graziella Accetta, Ninni Domino, Placido Rizzotto, Giovanni Paparcuri, Carmine Mancuso (président de l’association pour honorer la mémoire des morts dans la lutte contre la mafia).
Le commandant provincial des Carabiniers de Palerme a remercié personnellement les commerçants qu’il considère comme les véritables protagonistes de cette opération contre le clan de Borgo Vecchio. « Les carabiniers de Palerme tenons à remercier les entrepreneurs qui nous ont fait confiance. Beaucoup sont venus spontanément dénoncer leurs racketteurs et mis des noms sur les photos et nous les avons protégés. C’est le message que nous voulons transmettre à la ville et à la communauté. Il faut dire stop au pizzo. Nous sommes aux côtés de ceux qui dénoncent ».
C. Lovis, octobre 2020 © Antimafia.net