17.02.2021 – Procès de la ‘Ndrangheta
Pour la Cour d’Assises de Reggio de Calabre, la ‘Ndrangheta a joué un rôle de premier plan dans la série des attentats menées par la Mafia dans les années 1992-1993-1994. En juillet dernier, la Cour avait condamné à perpétuité le boss de Brancaccio (quartier de Palerme) Giuseppe Graviano et le boss calabrais Rocco Santo Filippone, de Melicuccio. Ils sont coupables d’avoir commandité des attaques contre des carabiniers (en janvier 1994, les carabiniers Antonio Fava et Vincenzo Garofalo sont abattus à la sortie de Scilla, sur l’autoroute entre Salerne et Reggio de Calabre).
L’enquête « Ndrangheta Stragista » a montré une alliance entre Cosa Nostra et la ‘Ndrangheta alors que la mafia sicilienne se trouve dans une stratégie terroriste depuis les attentats contre les juges Falcone et Borsellino : attentats de Florence, de Rome et de Milan. Les attentats n’étaient pas simplement des représailles violentes des clans siciliens contre la répression des forces de l’ordre et de la justice, mais un projet politico-subversif visant à identifier de nouvelles références politiques plus fiables, disposées à accepter la mafia : elles été identifiés au sein du nouveau parti Forza Italia de Silvio Berlusconi.
Au début des années 1990, la chute du Mur de Berlin entraîne aussi celles des grands partis italiens Démocratie-Chrétienne et Parti Socialiste Italien, en place pour résister à l’influence communiste en Italie, aidés de forces maçonniques et d’éléments de l’appareil de sécurité du réseau Gladio (en charge par l’OTAN de s’opposer en cas d’invasion soviétique ou de Coup d’État communiste en Italie). Cette déstabilisation des équilibres politiques a fragilisé les organisations mafieuses qui doivent rechercher de nouveaux « référents politiques » : c’est le sens de la création de la « Phalange Armée » en Calabre, dans la lignée de la stratégie terroriste de Cosa Nostra en Sicile. Après les attentats de 1992 contre les juges Falcone et Borsellino et les
attentats de 1993 de Florence, de Rome et de Milan, la ‘Ndrangheta a organisé une série d’attaques en 1994 contre les carabiniers (3 attaques ayant fait 2 morts et 2 blessés). Au début des années 1990, selon la Cour, « une sorte de convergence d’intérêts s’était produite entre différents secteurs qui soutenaient idéologiquement la stratégie de massacre de Cosa Nostra » : secteurs sur lesquels le parquet de Reggio Calabria a désormais l’ordre d’enquêter.
Au cours du procès, le boss Graviano, tout en parlant de lui-même comme victime d’un complot, a évoqué des politiciens, des ministres et de grands entrepreneurs, suggérant des pistes, laissant entendre des scénarios. Il a envoyé des messages, puis il s’est retranché dans le silence. Mais avant ce silence, il a clairement cité Silvio Berlusconi, le fondateur de Forza Italia. Des flux financier, partis de Calabre, ont atteint l’empire de Berlusconi : grâce à « leur » entrepreneur Angelo Sorrenti, le clan des Piromalli est entré dans l’entreprise Fininvest, la principale holding de Berlusconi. Le puissant clan De Stefano de Reggio aurait investi, via le clan Papalia de Plati, implanté en Lombardie, dans les projets Milan 2 et Milan 3, toujours de Berlusconi. Graviano a également confirmé y avoir investi. Tous ces clans se sont retrouvés, ensuite, dans cette stratégie terroriste qui a débouché sur la création d’un nouveau parti : Forza Italia. Pas un hasard, selon les magistrats de Reggio de Calabre…