Le 30 avril 1982, à 9h20, alors qu’ils arrivaient au siège du parti communisme, Pio La Torre et son ami et chauffeur Rosario Di Salvo sont victimes d’une embuscade. Une moto de grosse cylindrée les forces à s’arrêter dans une ruelle étroite où il est impossible de faire demi-tour. Le passager tire sur les deux hommes à plusieurs reprises. Di Salvo tente bien de riposter et tire quelques coups en direction des tueurs mais d’autres hommes sortent de plusieurs voitures et terminent le travail en achevant les victimes.
Le 30 avril 1982, jour de l’arrivée de Dalla Chiesa à Palerme, le secrétaire régional du parti communiste Pio La Torre et son chauffeur furent assassinés. Le choc fut énorme pour les Siciliens. Pio La Torre était membre du parlement et depuis toujours un ennemi juré de Cosa Nostra. Il avait accueilli la venue du nouveau préfet en Sicile avec beaucoup d’enthousiasme. Pio La Torre était l’artisan du projet de loi permettant à l’État de séquestrer les biens des personnes condamnées pour association mafieuse. Pour la première fois, cette loi autorisait l’attaque frontale des parrains de la Mafia en s’en prenant directement à leur patrimoine. Dans une situation aussi grave, on imagine aisément le poids des responsabilités que le préfet de Palerme devait porter sur ses épaules.
Le Général Dalla Chiesa jouissait d’un charisme naturel et ses hommes lui vouaient une loyauté sans faille. À plusieurs reprises au cours de sa carrière, il démontra un aspect admirable de son tempérament en allant se promener en uniforme, seul et sans escorte, entre la Scala de Milan et la place du Dôme pour prouver aux transalpins que la ville n’était pas aux mains des terroristes. Pourtant, il était l’une des personnalités les plus exposées. Cela n’avait rien d’un défi personnel, bien au contraire. Le général était un militaire cohérent pour qui les beaux discours devaient s’associer aux actes. Comment pouvait-il demander aux Italiens de cesser d’avoir peur du terrorisme si lui-même n’osait pas mettre le nez dehors ? Ce choix lui sera d’ailleurs reproché après sa mort. En effet, alors que Cosa Nostra était en pleine folie meurtrière, il décida de la défier sur ses propres terres.

Le 30 avril 1982, à peine nommé, il arriva à la Préfecture de Palerme en taxi, sans la moindre escorte. À plusieurs reprises, il n’hésita pas à se déplacer dans la capitale en autobus. Chose encore plus impensable, un beau matin, il se présenta seul au marché aux poissons, quartier général de la Mafia. Ce geste symbolique avait plusieurs significations. En premier lieu, il prouvait à ses ennemis qu’il ne les craignait pas. En second lieu, il montrait aux Siciliens que l’État était de retour avec la ferme intention de reconquérir la confiance des honnêtes gens. Un jour, lors d’un discours à la fête des Maîtres du travail, il prononça ces mots : « S’il est vrai qu’il existe un pouvoir, ce pouvoir appartient exclusivement à l’État, à ses institutions, aux lois ; nous ne pouvons déléguer plus longtemps ce pouvoir à des despotes ou des personnes malhonnêtes ».
C. Lovis © Antimafia.net
Extrait du livre : Les Hommes de l’antimafia, le monde a besoin de héros