Alfonso Giordano est décédé à l’âge de 92 ans. Il avait été le Président du premier « maxi-procès » contre Cosa Nostra en 1986-1987.
Fils de magistrat, devenu lui-même magistrat en 1952, ce palermitain commence sa carrière en Sardaigne puis retourne en Sicile, à Sciacca puis à Salemi et enfin à Palerme, comme Substitut du Procureur, spécialisé en droit civil. En 1970, Giordano devient Doyen de l’Université de Palerme et en 1978 il est nommé Conseiller à la Cour d’Appel, section civile, de Palerme. Il accepté de Présider le premier maxi-procès contre la mafia sicilienne, après le refus de plusieurs de ses collègues…
A la fin du procès, le boss de la Coupole, Michele Greco, s’adresse à Alfonso Giordano en lui souhaitant « la paix » à lui et à sa famille, ainsi que « la sérénité d’esprit et de conscience » . Des paroles considérées comme une intimidation voilée.
Après cette expérience, il devient Président de la Cour d’Appel de Lecce puis de la Cour d’Appel de Palerme, pour son dernier poste en 1996. Il devient ensuite Président Honoraire adjoint de la Cour de Cassation. En 2001, il est fait Chevalier de Grande-Croix de l’Ordre du Mérite de la République Italienne.
Extrait du livre Avanti : le combat de l’antimafia
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Le principal allié de Totò Riina était Michele Greco, puissant parrain de Ciaculli, dans des faubourgs de Palerme. Au sein de Cosa Nostra, on le surnommait « il Papa » (Le Pape) pour sa faculté de médiateur parmi les familles et pour sa curieuse propension à user de paraboles énigmatiques tirées de la Bible à chaque fois qu’il s’exprimait. Le clan Greco appartenait aux plus puissantes dynasties mafieuses et contrairement à Riina, Michele Greco ne faisait pas l’objet de mandat d’arrêt. Pire encore. Avec son allure austère de gentilhomme sicilien, il invitait dans sa villa luxueuse au cours de somptueuses réceptions des affairistes, des banquiers et des notables toujours prêts à vendre leur âme au diable pour quelques bonnes affaires.
À cette époque-là, Michele Greco était le chef de la Coupole. Très respecté, il se montrait affable auprès de toutes les cosches, mais en coulisse, il s’était rangé du côté des plus forts. Depuis, l’histoire a démontré qu’il était en fait une marionnette dans les mains du boss de Corleone.
Un jour, Riina confia à Greco qu’il entendait supprimer Tommaso Buscetta, mais qu’il avait besoin de son aide, car il n’arrivait pas à lui mettre la main dessus. En sa qualité de chef de la Coupole, le Pape contacta son alter ego américain afin de lui demander son concours. Cependant, la tournure des événements et les massacres qui advenaient en Sicile déplaisaient fortement aux Américains.
— Que vos massacres attirent le regard de la police et de la justice italienne sur vos activités, ça ne nous regarde pas. Mais si vous exportez votre guerre en Amérique, ça va devenir très mauvais pour les affaires, assena le parrain new-yorkais.
— Vous n’avez aucun souci à vous faire. Ici, on s’occupe de tout et la marchandise continuera à vous parvenir sans encombre, déclara Greco sur un ton rassurant. Mais en échange de nos bonnes relations, on aimerait que vous nous aidiez à mettre la main sur don Masino. Et si vous voulez encore recevoir notre marchandise, vous n’avez guère le choix… Auparavant, jamais la Mafia sicilienne n’aurait osé poser des conditions à sa cousine américaine. Cet appel courtois, mais teinté d’exigence prouvait la puissance acquise par la nouvelle Mafia. En quelques années, l’organisation sicilienne était sortie définitivement de sa ruralité historique pour rentrer dans l’internationalité du crime. En profitant de sa mainmise sur le trafic de drogue international, elle était devenue une force d’influence extrêmement importante au sein du crime organisé et comptait bien en abuser.
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Source : presse italienne / Livre Avanti / BHIC juillet 2021