Convoqués par la police et les carabiniers, 40 commerçants de Palerme ont été inculpés de « complicité » pour ne pas avoir porté plainte pour le racket dont ils étaient victimes. Le Parquet entend ainsi inciter les victimes, malgré la peur, à parler du racket aux forces de l’ordre, le silence étant une sorte de complicité face à Cosa Nostra.
En juillet dernier, une opération avait été menée contre le mandamento (« circonscription » administrative mafieuse de plusieurs clans voisins) de Ciaculli (banlieue de Palerme, réunissant les clans de Brancaccio, Corso dei Mille et Roccella) : les écoutes avaient démontré qu’une soixantaine de commerçants étaient victimes du racket (16 arrestations). Malgré l’évidence des écoutes, une quarantaine ont refusé de reconnaître les faits, seulement une vingtaine ont reconnu les faits et ne sont donc pas poursuivis.
Les enquêteurs ont pu reconstituer près de 50 épisodes d’extorsion auprès des commerçants sans qu’aucune plainte ne soit reçue par la police. Dans certains cas, les commerçants ont pris soin de ne pas apparaître dans le « grand livre » de l’extorsion ou d’offrir au mafioso un stratagème pour échapper à d’éventuels contrôles de police. Supermarchés, démolisseurs de voitures, boucheries, bars, discothèques, pharmacies, boulangeries, entreprises de construction, concessionnaires automobiles et autres ont payé le pizzo.
Les enquêtes des carabiniers ont finalement permis de constater le déplacement du centre de gravité de l’influence du quartier mafieux de Brancaccio vers la famille mafieuse de Ciaculli, gouvernée par la famille Greco. Cette famille mafieuse est forte de son héritage historique assuré par sa parenté avec Michele Greco, surnommé « le Pape » qui avait dominé Cosa Nostra en Sicile en se rangeant aux côtés des Corlenonais de Toto Riina pendant la deuxième guerre mafieuse. En 2022, les enquêtes permettent de constater que les dirigeants du quartier on retrouvé une autorité certaine et visent à retrouver l’hégémonie sur le territoire palermitain, comme en témoigne la tentative de reconstitution de la commission provinciale de la Cosa Nostra fortement souhaitée par Leandro Greco, dit « Michele ».
C. Lovis
Source : DirettaSicilia, Crimorg, 26.03.2022