Hommage au Général Dalla Chiesa


Sitôt arrivé en Sicile, le populaire héros de la lutte antiterroriste s’était affiché sans escorte et s’obstinait à ne pas recourir à une voiture blindée. On lui reprocha ce choix après sa mort, car il était l’une des personnalités les plus exposées. Néanmoins, Dalla Chiesa était d’abord et avant tout un militaire cohérent pour qui les beaux discours devaient s’associer aux actes. Comment pouvait-il demander aux Siciliens de cesser d’avoir peur si lui-même n’osait pas mettre le nez dehors ?

Au soir du centième jour de son mandat, le préfet de Palerme décida de se rendre au restaurant avec sa jeune épouse, Emanuela Setti Carraro. Fidèle à ses principes, il ne s’entoura d’aucune escorte, mais pour se rassurer, le carabinier Domenico Russo décida de les suivre. On ne sait jamais. Au moment de s’engager dans une rue à sens unique située à proximité du théâtre Massimo, via Carini, une douzaine de mafieux armés d’armes automatiques surgirent de l’ombre pour les mitrailler. Touchée mortellement, Emanuela Setti Carraro décéda au volant de la Lancia qui termina sa course contre des véhicules en stationnement. Un tueur acheva Dalla Chiesa d’une rafale de mitraillette en plein visage. Une légende arabe dit que si l’on défigure les morts, leur âme meurt aussi. Le carabinier Domenico Russo qui n’eut pas le temps de réagir décéda à son tour, lors de son transfert à l’hôpital. Peu après l’attentat, un anonyme apposa un carton sur le mur encore tâché de sang sur lequel on pouvait lire l’amertume d’un peuple affligé par la violence mafieuse :

« Ici est morte l’espérance des Palermitains honnêtes ».

Le Général Dalla Chiesa, Domenico Russo et Emanuela Setti Carraro. († 03.09.1982)

Alors que dans le Nord, on avait pris l’habitude de se boucher le nez en regardant les événements qui se déroulaient au Sud, la mort d’un héros national réveilla toute l’Italie. La presse revendiquait l’urgence nationale pour combattre la Mafia en souhaitant une plus grande unité des forces politiques dans le pays. Les élus de la République sortirent enfin de leur apathie en votant la loi Rognoni-La Torre. Aussi incroyable que cela puisse paraître, grâce à cette loi, pour la première fois dans le Code pénal italien, on pouvait y lire le mot : « Mafia ».

© C. Lovis – extrait du livre Avanti, le combat de l’antimafia

La voiture criblée de balles du Général Dalla Chiesa

Extrait du livre : Les hommes de l’antimafia

Le Général Dalla Chiesa arriva à Palerme le 30 avril 1982. Ce même jour, le secrétaire régional du parti communiste Pio La Torre et son chauffeur étaient assassinés. Le choc fut énorme pour les Siciliens. Pio La Torre, membre du parlement était depuis toujours un ennemi juré de Cosa Nostra. Il avait accueilli la venue du nouveau préfet en Sicile avec beaucoup d’enthousiasme.
Dans une situation aussi grave, on imagine aisément le poids des responsabilités que le préfet de Palerme devait porter sur ses épaules. Pio La Torre était l’artisan du projet de loi permettant à l’État de séquestrer les biens des personnes condamnées pour association mafieuse. Pour la première fois, cette loi autorisait l’attaque frontale des parrains de la Mafia en s’en prenant directement à leur patrimoine.

Le charismatique général jouissait d’une grande considération parmi ses hommes qui lui vouaient une loyauté sans faille. À plusieurs reprises au cours de sa carrière, il démontra un aspect admirable de son tempérament en allant se promener en uniforme, seul et sans escorte, entre la Scala de Milan et la place du Dôme pour prouver aux transalpins que la ville n’était pas aux mains des terroristes. Pourtant, il était l’une des personnalités les plus exposées. Cela n’avait rien d’un défi personnel, bien au contraire. Le général était un militaire cohérent pour qui les beaux discours devaient s’associer aux actes. Comment pouvaitil demander aux Italiens de cesser d’avoir peur du terrorisme si lui-même n’osait pas mettre le nez dehors ?

Il décida de défier Cosa Nostra sur ses propres terres. Contre toute attente, dès son arrivée à l’aéroport de Palerme, Dalla Chiesa se rendit à la préfecture en taxi, sans la moindre escorte. Ce choix lui sera d’ailleurs reproché après sa mort. Une fois en place et à plusieurs reprises, il n’hésita pas à se déplacer dans la capitale en autobus. Et par un beau matin, chose encore plus impensable, il se présenta seul en plein marché aux poissons, reconnu pour être le quartier général de la  Mafia. Ce geste symbolique avait plusieurs significations. En premier lieu, il prouvait à ses ennemis qu’il ne les craignait pas. En second lieu, il signifiait aux Siciliens que l’État était de retour avec la ferme intention de reconquérir la confiance des honnêtes gens. Un jour, lors d’un discours à la fête des Maîtres du travail, il prononça ces mots : « S’il est vrai qu’il existe un pouvoir, ce pouvoir appartient exclusivement à l’État, à ses institutions et aux lois ; nous ne pouvons déléguer plus longtemps ce pouvoir à des despotes ou des personnes malhonnêtes »

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