Matteo Messina Denaro a été capturé grâce à la méthode du général Dalla Chiesa. Un travail de fourmi et une abnégation extraordinaire ont permis de conduire à la capture du chef mafieux en cavale depuis 30. Le commandant général des carabiniers, Teo Luzi, âgé de 64 ans a expliqué les dessous de cette formidable arrestation. Antimafia.net vous en fait profiter.
— Il n’y a aucun mystère ni de secret dans sa capture. Depuis plus d’un an, nous savions que Matteo Messina Denaro souffrait d’une pathologie particulière. À partir de là, poursuit le général, nous faisions des dépistages dans les cliniques privées et les établissements publics sur les personnes traitées pour cette maladie particulière. Évidemment, nous gardions un œil sur son cercle rapproché qui, de toute évidence, le couvrait. Honnêtement, nous savions depuis le mois de décembre que chaque moment pouvait être le bon. Ces derniers jours, nous en étions plus que conscients, mais l’histoire nous a appris que rien n’est acquis, surtout lorsqu’il s’agit de capturer un chef de la mafia.
— Où se cachait-il durant toutes ces années ? demanda un journaliste.
— Nos recherches ont toujours été concentrées en Sicile. Nous étions pleinement conscients que nous devions trouver un trou dans le réseau de protection du patron. Mais je peux vous assurer que les mailles du filet sont très étroites et qu’il n’est pas facile d’y pénétrer. Bien entendu après la capture tout semble bien plus simple.
Le général a expliqué en quoi consiste la méthode dalla Chiesa :
— La méthode du général Carlo Alberto dalla Chiesa est celle qu’utilise encore nos collègues du ROS, c’est-à-dire la persévérance et surtout le choix d’utiliser des techniques d’enquête traditionnelles. Cela signifie la collecte de nombreuses informations auprès des services des carabiniers, des interceptions téléphoniques et environnementales, des vérifications dans les bases de données de l’État, des interrogatoires et des opérations de filatures. Le général Dalla Chiesa disait toujours qu’il n’y avait pas de mystère ni de secrets inavouables. Sa méthode consiste aussi à pratiquer la politique de la terre brûlée autour du suspect afin de l’isoler et de lui rendre la vie impossible. Nous avions un groupe d’enquêteurs qui se consacraient exclusivement à cette enquête, poursuivi le général. Grâce à ce travail d’équipe qui incluait évidemment la police d’État et les autres appareils de sécurité nous avons réussi à saisir le bon filon. Nous avons attrapé Messina Denaro à la faveur d’une étroite collaboration entre les forces de l’ordre et les magistrats. Le résultat de cette arrestation est extraordinaire et doit être dédié à toutes les victimes de la mafia.
Le commandant des carabiniers interrogé sur l’avenir de Cosa Nostra répondit :
— C’est une bataille gagnée, mais ce n’est certainement pas la fin de la mafia. Nous continuerons la lutte contre Cosa Nostra parce que le cercle n’est pas fermé et que les enquêtes doivent se poursuivre en sachant que l’ennemi reste toujours fort et capable d’infiltrer les institutions. Quand la mafia ne tire pas, cela ne signifie pas qu’elle n’est pas active, au contraire. La capture de Messina Denaro nous donne un nouvel élan pour aller de l’avant en suivant précisément la méthode appliquée jusqu’à présent. Il existe un autre réseau, celui des affaires et de l’infiltration qui doit être démantelé, a conclu le général Teo Luzi.
ROS (groupe des opérations spéciales) a été officiellement créé le 3 décembre 1990. C’est l’organe d’enquête des carabiniers dotés d’une compétence centralisée sur le crime organisé et le terrorisme. Cette brigade est née des cendres de l’unité antiterroriste que le général des carabiniers Carlo Alberto dalla Chiesa avait créé en 1974, pendant les années de plomb. L’Italie était alors endeuillée par les attentats terroristes des Brigades rouges. Une fois vaincue par le général dalla Chiesa et ses hommes, c’est unité spéciale s’est consacrée vers la lutte contre le crime organisé. Rappelons que c’est le ROS qui avait arrêté le patron des patrons de Cosa Nostra, Toto Riina. Cette brigade extrêmement spécialisée dans les enquêtes de police judiciaire contient environ 1200 hommes triés sur le volet.
Reproduction et traduction : C. Lovis © antimafia.net / janvier 2023
Sources : presse italienne et personnelles
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