Qui dirige Cosa Nostra ?


Après l’attention médiatique qui a fait suite à l’arrestation de Matteo Messina Denaro, les membres des forces de l’ordre savent que leur lutte contre Cosa Nostra ne s’arrête pas avec la capture d’un boss mafieux. L’exemple de Totò Riina qui était, contrairement à Messina Denaro, le patron des patrons de Cosa Nostra a démontré la remarquable capacité de la mafia à se régénérer. À chaque fois qu’un chef mafieux est arrêté, un autre homme fort ressurgit dans le sillage des Riina ou Provenzano pour accéder au sommet de la pyramide de la pieuvre.

Contrairement à ce qu’on a pensé longtemps, Matteo Messina Denaro n’était pas le patron des patrons de Cosa Nostra. Une thèse répétée de façon univoque par les magistrats antimafia est que les clans palermitains n’accepteront jamais d’être dirigés par un non palermitain. Certes, l’homme de Trapani était un boss très important, mais il n’était pas à la tête de la Coupole. Les enquêteurs continuent à chercher qui est réellement aux commandes de l’organisation criminelle. Si tout devait se dérouler selon la logique qui a toujours régi Cosa Nostra, il ne fait aucun doute que le sommet de la pyramide mafieuse sicilienne appartiendrait à Settimo Mineo, 84 ans.

Settimo Mineo
Bijoutier de profession, Settimo Mineo a toujours été l’un des patrons les plus craints et respectés de Cosa Nostra. En mai 2018, après la mort de Totò Riina, les quatre grands patrons de Palerme (mandamenti de Pagliarelli, Porta Nuova, Villabate et Belmonte Mezzagno) se sont réunis pour décider qui devait régner au sommet de l’organisation. Ils en profitèrent pour établir les règles traditionnelles de la mafia sicilienne et pour choisir Settimo Mineo à la tête de l’organisation criminelle. Ce ce qu’ils ne savaient pas c’est qu’il y avait déjà plusieurs mois qu’ils étaient sous filature et que leurs communications étaient écoutées par les carabiniers. Ces derniers avaient placé un micro dans une vieille Panda utilisée par un chef mafieux et son chauffeur. Une fois dans la voiture, le boss racontait tout ce qui s’était dit lors des séances secrètes avec ses homologues à son homme de confiance. Ainsi, les policiers purent reconstituer l’organigramme de plusieurs familles de Cosa Nostra. L’opération « Cupola 2.0 » déclenchée le 4 décembre 2018 par la direction du District antimafia Palerme a permis l’arrestation de 46 personnes. Settimo Mineo a été arrêté lors de ce blitz et a été condamné à 21 ans de prison. Son investiture a donc duré très peu de temps.

Settimo Mineo – Le chef de la mafia sicilienne Settimo Mineo, entouré par deux policiers à Palerme (Sicile), le 4 décembre 2018. (ALESSANDRO FUCARINI AFP)

Giovanni Motisi

Settimo Mineo incarcéré en Sardaigne sous le régime d’isolement du 41 bis, il paraît difficile de penser qu’il dirige la mafia sicilienne depuis l’intérieur des murs de la prison. Du coup, l’attention des enquêteurs se porte sur d’autres profils. L’un d’entre eux est celui de Giovanni Motisi dit « u pacchione » (le Gros). Un nom qui n’évoque peut-être pas grand-chose pour beaucoup, mais qui est une très vieille connaissance des enquêteurs. Motisi n’est autre que l’ancien tueur de confiance de Totò Riina et le chef du district de Pagliarelli. Selon les déclarations du collaborateur de justice, Calogero Ganci, Motisi était présent au moment où la mafia a décidé de l’assassinat du général Carlo Alberto Dalla Chiesa. Recherché pour une série interminable de meurtres et pour massacre, il est fugitif depuis 1998. Né à Palerme en 1959, Motisi est âgé de 64 ans. Il partage avec Messina Denaro une très longue vie de fugitif. En fait, sa trace a été presque entièrement perdue depuis 1998, année où plusieurs meurtres lui ont été attribués. Il figure sur la liste des quatre super fugitifs encore dans le programme de recherche spéciale antimafia.

En 1999, il y a eu une alerte sur sa clandestinité. En effet, il a assisté à la fête d’anniversaire de sa fille comme en témoigne une photo retrouvée dans sa villa de Palerme. Un cliché pris avec beaucoup de précautions : les murs de la maison où il se trouvait étaient recouverts de draps blancs pour rendre le lieu méconnaissable. Ce dernier qui est en cavale depuis 25 ans a été condamné à la prison à vie pour le meurtre du commissaire Giuseppe « Beppe » Montana, tué le 28 juillet 1985. Il figure sur la liste des criminels les plus recherchés en Europe. Les enquêteurs ont perdu sa trace et ne savent rien de plus à son sujet, pas même s’il est encore en vie.

Giovanni Motisi
Stefano Fidanzati

Stefano Fidanzati

L’autre nom qui ressort régulièrement et celui de Stefano Fidanzati. Cet homme de 70 ans est le frère du patron historique Gaetano Fidanzati, décédé en 2013. Ce dernier avait été parmi les premiers à comprendre l’importance de coloniser le nord de l’Italie et surtout Milan. Il fait partie des mafieux protagonistes de l’élaboration du triangle entre la Cosa Nostra sicilienne, la Cosa Nostra américaine, les clans de la Camorra napolitaine et les Narcos colombiens.

Il y aurait deux autres noms potentiels. Ceux de Giuseppe Auteri et Sandro Capizzi.

Giuseppe Auteri

Giuseppe Auteri

Le premier, âgé de 49 ans et très proche du patron Tommaso Lo Presti. Il aurait été le comptable du clan (rôle très important) avec une autre figure de proue de Porta Nuova, Giuseppe Incontrera, assassiné le 30 juin 2022 à la Zisa. À la tête de l’un des clans les plus riches de Palerme, il est l’un des jeunes hommes que Cosa Nostra tient en très haute estime, compte tenu également des nombreuses années de prison qu’il a déjà purgées avec des condamnations pour association mafieuse et extorsion aggravée. À peine sorti d’une peine de prison de huit ans, il s’était remis à gérer, à former et à endoctriner les soldats du clan (picciotti). Il est actuellement fugitif depuis juillet 2022.


Sandro Capizzi

Sandro Capizzi, 42 ans, s’inscrit dans le sillage de la tradition criminelle des familles mafieuses. Son père Benedetto, membre historique et autoritaire de la coupole, boss du clan Santa Maria di Gesù, celui de l’ennemi historique de Totò Riina, Stefano Bontate assassiné lors de la Deuxième Guerre mafieuse. Son rejeton, Sandro Capizzi, est le patron de Villagrazia. Très apprécié pour ses relations avec les entrepreneurs de Palerme.

Sandro Capizzi

Tout cela comporte une indication : si le choix se porte sur un jeune homme et non — comme le veut la tradition — sur un vieillard, cela certifierait une fois pour toutes l’entrée de la mafia dans une nouvelle ère. On ignore pourtant s’il y aura un nouveau patron de Cosa Nostra et qui sera l’un d’entre eux, il est trop tôt pour le dire. De plus, l’efficacité des enquêteurs et des magistrats antimafia perturbent véritablement le vieux rêve des hommes « d’honneur » depuis la mort de Riina : ressusciter la coupole.

C. Lovis © antimafia.net / février 2023


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